En 2013, je vous souhaite de souffler !


Le bonheur est une bulle de savon

Mon ami David, alias Pablo, anime « Le Croissant Show », une émission matinale sur Sud Radio, en Belgique. A chaque invité, il pose une question qu’il appelle la question psy, et il attend une réaction.

Quand il m’a reçu dans son émission, il m’a demandé de réagir à cette phrase, que je cite de mémoire : « le bonheur est une illusion de l‘imagination, il est incompatible avec la raison. »

Bien sûr ai-je répondu. Le bonheur n’existe pas pour quiconque est lucide, conscient de son sort, de sa finitude. Comment être heureux quand, en permanence, vous avez cette épée de Damoclès au-dessus de la tête et dont la lame, déjà, vous effleure le crâne ? Nous pouvons tendre sans doute vers des instants qui ressemblent à des instants de bonheur. Mais dès que la pensée de la mort, imminente, resurgit, le bonheur plein relève de l’impossibilité.

En un sens, cette pensée est créatrice : elle crée une urgence, une avidité à vivre, à exister toute affaire cessante. Elle est impulsion.

Évidemment, ce genre de discours heurte certaines personnes, bercées, elles, d’illusions. Nous voulons croire au bonheur. Il est devenu LA quête absolue, ultime. « Nous y avons droit », semblent-elles réclamer.  Tous les stratagèmes sont bons alors, toutes les disciplines, toutes les philosophies, toutes les religions, toutes les croyances.

Vous me direz que ne pas croire au bonheur est la mienne de croyance. Sûrement. Telle est ma carte du monde.

Raisonnablement, l’homme atteint d’une maladie incurable peut-il respirer le bonheur sans omission ? Je veux dire sans omettre sa condition ? Sa condition d’homme condamné par la médecine ? Mettons qu’il soit  à la veille de sa fin. Mieux, mettons qu’il soit à quelques instants de sa fin. Il est entouré de ses proches. De ses enfants qu’il ne verra pas grandir. De ses parents qui le voient mourir. Il peut, dans cette lucidité-là, doté, doué de sa raison entière, nager dans le bonheur ? Balivernes. Il le peut s’il est dans l’illusion ou le déni.

Et quelle différence réellement entre lui et nous ? La science l’a condamné. Nous aussi. Curieusement, j’ai le sentiment que beaucoup rejettent l’évidence de la mort. Comme s’ils se savaient mortels avec leurs neurones, pas avec leurs tripes. S’ils le comprenaient dans leurs muscles, leur chair, accepteraient-ils ce métier qu’ils exècrent ? Cette météo qui les déprime. Cette vie qu’ils portent parfois lourdement, comme Sisyphe pousse son rocher ? Ou bien se rebelleraient-ils ?

Je prépare activement une formation pour des gens qui reçoivent 50 appels par jour, dont 30 de clients mécontents : 20 sont très désagréables, 10 sont carrément odieux. Leur local est un lieu à courants d’air sans lumière ou presque. Leur service – nommé service à la clientèle – est considéré comme le département des punis ! Et ils vont y rester durant toute leur carrière ! Aucune possibilité d’évolution.

Un individu conscient de sa finitude accepterait-il cette situation ? Bon, la conjoncture économique est difficile. Bon, ils ont des prêts en cours, des enfants aux études, des factures à payer. Quand même. Que reste-t-il après ça ? Que reste-t-il après cette vie-là. Quelques années de retraite. Une pension dérisoire. La mort.

Un auditeur a réagi à mes propos : « le bonheur est une trajectoire ! » Ben voyons. Même si le propos est proche de celui de Lao Tseu, dans le genre lieu commun, difficile d’être plus inspiré. Il a dû confondre. Ce qui compte, c’est le chemin, plus que la destination. De là à dire qu’il est bonheur…

J’ai plutôt l’impression que le bonheur est une bulle de savon. Touchez-le. Il disparaît. C’est déjà ça. Nous l’avons touché.

Alors en ce début d’année, voici les vœux que je formule pour vous :

Soufflez autant de bulles que vous le pouvez. Inlassablement.

Fabian



  1. Bien sûr que le bonheur existe. Et ce n’est pas l’idée de la mort qui empêche d’en profiter. Bien au contraire. Je pense tout le temps à la mort. Mais cela ne me fait pas peur. Même si je sais que tout sera fini à ce moment là. C’est justement parce qu’il y a la mort au bout du chemin et qu’on en est conscient, qu’on peut être heureux. Déjà d’exister ! D’avoir encore un peu de temps pour faire ce que l’on aime, pour en profiter un max avant que cela ne soit fini. Celui qui ne pense pas à la mort ne pense pas à profiter de sa vie tant qu’il en est encore temps. Pour moi, le bonheur, c’est se créer son paradis sur terre, c’est être acteur du jeu de la vie avant le Game Over final.

    • Je suis ravi pour vous Kathe. La différence est là sans doute : je ne crois pas au Paradis. Cela étant, je ne dis pas non plus autre chose que vous : « en profiter un max avant que cela ne soit fini. » C’est bien l’idée qui se trame derrière les bulles de savon à souffler … sans relâche 😉

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