Interview de Françoise Faymonville, psychanalyste à Mons, Belgique
Le premier conseil que donne Françoise Faymonville aux personnes qui procrastinent, c’est d’en prendre conscience. Puis, il convient de chercher le plus petit objectif qu’ils se sentent capables de réaliser. Pour leur rendre confiance.
Fabian Delahaut (FD) : Quels sont les cas que vous rencontrez qui sont victimes de procrastination ?
Françoise Faymonville (FF) : Les dépressifs endogènes et exogènes. Chez l’endogène, il y a un gène de la dépression. C’est donc héréditaire. Il y a eu un facteur déclencheur : un deuil, un déménagement, un échec, un suicide, même celui d’un voisin, même s’il n’y a pas d’attache. Si la dépression dure trop longtemps, on remonte de plus en plus loin et on se rend compte qu’il y a eu des épisodes dépressifs quand la personne était plus jeune. Et si on creuse encore dans l’anamnèse (l’anamnèse, c’est faire raconter à la personne son histoire, parentale et personnelle, comme le médecin le fait pour savoir s’il y a eu des cancers dans la famille…), on constate un phénomène d’hérédité.
Et s’il consulte, c’est parce qu’il a envie de s’en sortir. Et c’est possible puisque la motivation est là. Cela dit, c’est plus difficile que chez un exogène. Il y a beaucoup de rechutes.
Chez l’exogène, c’est purement réactionnel, donc passager. Et pendant ce temps-là, il procrastine.
On rencontre également la procrastination chez des gens qui ont toujours eu tout sur un plateau. Ce qui tue le désir. Mais ce n’est pas systématique. Tous les gens qui ont été gâtés n’ont pas cette attitude.
Bref, d’avoir été gâté peut donc aller jusqu’à tuer le désir. Et s’il n’y a plus de désir, il n’y a plus de motivation, plus d’objectifs. Sans objectifs, la personne stagne et déprime… et consulte.
Enfin, il y a aussi les gens qui n’ont pas de ressources. Ils stagnent… et le psy stagne avec eux !
FD : A quoi les reconnaît-on ?
FF : Rien ne leur dit rien. Ils ne trouvent d’énergie pour rien. Ils sont vides, creux. Par exemple, les gens qui passent leur vie à regarder par la fenêtre et à cancaner. On leur conseille… de tricoter !
Ils consultent sur le conseil du médecin, qui ne peut rien pour eux…
Il y a aussi certains hystériques qui procrastinent. « Je viens consulter mais je sais que vous ne pouvez rien pour moi. »
FD : Que répondez-vous ?
FF : « Oui, vous avez raison. » Je leur coupe l’herbe sous le pied. Surtout ne pas les rassurer.
FD : Comment aidez-vous vos patients qui procrastinent ?
FF : Je préfère dire clients, même si « patients », c’est plus chic. Le patient subit…
Souvent, en thérapie, pas en psychanalyse, je coache aussi. Je leur donne des objectifs, des « devoirs ». Mais je dis que si ce n’est pas fait, ce n’est pas grave. Car je suis et reste psy, pas coach.
FD : Quels conseils donnez-vous à nos internautes qui procrastinent ?
FF : D’abord en prendre conscience. Puis, chercher, avec un psy, le plus petit objectif qu’ils se sentent capables de réaliser. Pour leur rendre confiance.
FD : Vous avez un exemple de réussite ?
FF : Je ne vois que de la pathologie, de gros cas de névrose. Et dans ce contexte, je songe à un monsieur sur le point de se suicider quand il est venu me voir. Il était englué dans des problèmes familiaux et professionnels, criblé de dettes. Et il s’en est diablement bien sorti !
FD : Après combien de temps ?
FF : Trois ou quatre ans. Il devait aussi ménager la famille…
Il est sorti de l’envie suicidaire très vite car il s’est senti épaulé, soutenu, comme si je le structurais. Il se sentait porté.
FD : Qu’avez-vous fait, concrètement ?
FF : J’ai utilisé un plan de travail. J’ai été, comme vous dites, très opérationnelle. Par exemple, je lui ai montré les solutions possibles. Et puis seulement, j’ai travaillé le détachement à la famille. Je l’ai également incité à prendre un travail salarié.
FD : Et aujourd’hui ?
FF : Il va super bien. Il est enseignant et indépendant à titre complémentaire. Il est surtout indépendant psychologiquement et autonome. Il mène la vie qu’il voulait avoir.
FD : Merci Françoise.
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