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Chagrin d’Amour : chacun n’fait pas c’qui lui plaît !


Nous l’appellerons Isabelle. Le prénom est joli. Et puis c’est mieux que des initiales. Isabelle donc participe à une formation que j’anime. Fidèle. Ponctuelle. Sauf que ce matin elle est là sans être présente. Si elle s’est maquillée, la peau, grise et gloutonne, a tout absorbé. Avec les larmes sans doute. Je devine ça. Une peau marquée, taillée comme au burin, taillée de rides et goulottes. Les larmes ont dû suivre le chemin de ces goulottes-là. Se répandre par à-coups. Par gerbes. Des éruptions de larmes où un chagrin s’est noyé, naufragé. Se noiera encore. Les chagrins d’amour peuvent se noyer longtemps.

Isabelle contraint un sourire. Les lèvres dociles s’exécutent à demi. Un soupçon de sursaut. Les yeux ne sont pas éteints mais si loin. Profonds comme une nuit sans nuage et sans lune et sans étoile. Un infini de regard. Un infini de vide. Un regard qui a compris. Qui sait. Ni vers l’avenir, ni vers le passé. Il n’est tourné vers nulle part. Juste une béance. Une faille immense. Inouïe.

Isabelle voudrait se redresser mais le poids de la douleur fait se courber les os. Elle ploie. Menton vaincu par la gravité. Épaules basses. Épaules lasses. Et lasses les mains. Et las le pas trop lourd. Les jambes doivent être cadenassées par la souffrance qui n’a que le sol pour destination. Un corps aimé est droit et léger. Aérien. Voltigeur. Un corps abandonné se tord comme une allumette consumée par trop de feu. Un corps abandonné meurt.

Chagrin d'Amour - Chacun fait c'qui lui plait

Chagrin d’Amour – Chacun fait c’qui lui plait

“Sous mes pieds, y a la terre… Sous tes pieds y a l’enfer…”

Nous ne sommes que nous deux soudain. Je risque une question. M’inquiète. Demande. D’abord les mots convenus qui la font rester forte ou fière. Les mots de la contenance. Ils sont faibles et n’ont besoin que d’un peu de bouche.

Et puis… Arrachés du ventre… d’autres mots cognent la gorge, se bousculent. Jaillissent étouffés.

Isabelle dit son chagrin d’amour, dit sa douleur, sa souffrance.

Elle me demande : « ça va durer combien de temps, Fabian ? »

J’arrête à temps les paroles de Jean-Pierre Claris de Florian : « plaisir d’amour ne dure qu’un instant, chagrin d’amour dure toute la vie… » Elles freinent de tous leurs fers et butent sur les lèvres déjà entrouvertes.

Jean-Pierre Claris de Florian
Jean-Pierre Claris de Florian, fabuliste. « Rira bien qui rira le dernier », c’est lui !
« Pour vivre heureux, vivons cachés », c’est encore lui ! 

« Plaisir d’amour ne dure qu’un instant,
chagrin d’amour dure toute la vie… »

C’est drôle comme les paroles demeurent et pas l’auteur. Il n’aura duré qu’un instant. Ses paroles durent toujours. Et toute la vie.

Le lendemain dans une « salle d’impatience ». Je trompe l’attente en me faisant croire que j’en fais quelque chose d’utile. Feuilleter un magazine par exemple. Interview de Paulo Coelho au sujet de son nouveau livre : « Adultère ». Où il dit que 90% des dépressions viennent… de chagrins d’amour !

Ça valait bien un article non ?

C’est quoi un chagrin d’amour ? Pourquoi un chagrin d’amour ? Il y a tant de gens tant. Et donc d’amour à prendre. Il y a moins d’eau et moins d’air et moins de lumière. Alors pourquoi tant de chagrins puisque tant d’amour ?

Lacan, impitoyable, livre sa réponse : « l’amour, c’est donner ce qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas. » La formule est piquante et fait briller dans les dîners. Mais la souffrance d’Isabelle était palpable hier. Je la sentais dans les doigts. Et la pirouette de Lacan, même brillante, ne dit pas pourquoi.

Tentative de réponse à travers les regards croisés de 3 psychanalystes. Je les résume ici pour vous…

Le chagrin d’amour est toujours en rapport avec un amour impossible. Il est lié à une demande d’amour qui ne trouve pas de répondant (le trouvera-t-elle jamais ?), une recherche narcissique, un investissement narcissique, qui ne dit pas son nom. (*)

Quand l’être aimé vous dit « je t’aime », il y a une sorte de gonflement interne, de gonflement narcissique.

La psychologie positive comme outil et atout ?

Si donc l’autre ne peut pas me donner cet amour-là, puis-je le compenser par l’amour inconditionnel de soi ? Me répéter des phrases positives ? Me « narcissiser » tout seul ? Oui, redorer l’estime de soi comme ça peut aider, vous relancer narcissiquement. Mais pas complètement. A moins de vivre en ermite de l’amour. Certains y réussissent.

Alors comment s’en sortir ? Que répondre à Isabelle ?

Prendre une distance par rapport à ce que l’on vit. Par rapport au rapport amoureux qui est toujours imaginaire mais qui fait du bien. Comprendre et accepter que vous n’avez pas reçu ce que vous attendiez mais que la vie n’est pas finie. C’est un moment. Un instant justement…

Prendre de la distance en y réfléchissant, en en parlant, en consultant.

Il peut s’agir d’une situation de vie où vous n’avez plus de reconnaissance et où vous vous écroulez. Ici, l’amour n’est pas amoureux. C’est de l’amour encore. Ce reflet positif de soi qui n’est plus. « Après tout ce que j’ai donné à mon entreprise, tant de loyauté, de sacrifices… et puis le rejet ! »

Le manque de reconnaissance est une demande d’amour qui ne vient pas. Curieusement, cette reconnaissance peut venir d’ailleurs, d’une autre entreprise notamment, tout comme l’amour peut venir de quelqu’un d’autre. Alors pourquoi diable le vouloir ABSOLUMENT de CETTE personne spécifiquement ?

La réponse serait-elle dans le trouble provoqué justement par celui qui ne sait pas s’attacher ? En devient par-là plus désirable encore ?

« Ça dure combien de temps, Fabian ? »

Mais tout ça, c’est vivre. Et vivre c’est aimer se faire aimer et en souffrir. Faut-il prendre des antidépresseurs pour ça ? Jean-Jacques Goldman donne sa réponse en 1997 avec « On ira » :

« On prendra les froids, les brûlures en face
On interdira les tiédeurs
Des fumées, des alcools et des calmants cuirasses
Qui nous ont volé nos douleurs
La vérité nous fera plus peur
 »

Jean-Jacques Goldman

Jean-Jacques Goldman

« Y a que les routes qui sont belles… »

 

Une dépression est une demande d’amour – au sens large  qui tourne mal. Elle est aussi due à un sentiment d’impuissance, d’abandon, à de la colère contre l’autre que l’on retourne contre soi.

Mais l’antidépresseur est une couverture sur la vie. Isabelle devra assumer sa blessure. Sans doute elle cicatrisera. Sans doute sa cicatrice grandira avec elle, Isabelle. Ne pas l’occulter à tout prix. Vivre avec. L’apprivoiser.

L’HOMME, LA FEMME… n’existent pas. Vouloir qu’un individu l’incarne à lui tout seul est illusoire. Isabelle rencontrera d’autres hommes et relativisera cet investissement massif, exagéré, sur un seul.

Peut-être.

Le chagrin d’amour est un trauma. Comme pour tous les traumas, comme pour un accident de voiture ou une chute de cheval, il faut du temps. Le chagrin d’amour est un accident de la vie. Une chute dans la vie. Il faut du temps aussi. Et remonter tout de suite… si possible…

Alors, combien de temps Isabelle ?

« D’aventure en aventure », Serge Lama ne s’est jamais remis de la perte de Liliane Benelli. Un autre Serge, Gainsbourg, mettra des années avant de faire son deuil de Brigitte Bardot. Bye bye BB… Et Paul et Virginie

Combien de temps Isabelle ?

Toute la vie ?

Mais peut-être les chansons ne disent pas la vérité… ?

Oui. Peut-être.

« On suivra les étoiles et les chercheurs d’or,
On s’arrêtera jamais dans les ports…
Même si tout est joué d’avance…
Y a que les routes qui sont belles… »

Bon Vol avec les Aigles, les Amis. Bon Vol au-dessus des rivières de chagrins qui rappellent que nous sommes vivants.

Fabian

(*) Quand on a dit que l’amour est la dimension narcissique de l’être, on a tout dit et on n’a rien dit car chacun est renvoyé à sa solitude. Le philosophe Emmanuel Levinas apporte, sur  les relations humaines, un éclairage qui va au-delà de la relation narcissique. L’expérience de la découverte du visage de l’autre, ouvre à la dimension subjective de l’autre et à la responsabilité que cela suppose ou à notre propre dimension subjective…


Quand allez-vous mourir ?


Etre acteur de sa vie, c’est aussi penser sa mort. La mort limite. Elle crée en nous, certains d’entre nous, une urgence à vivre. Qu’en serait-il si nous devenions immortels ? Fiction ? Réalité imminente ?

Chirurgien-urologue, auteur, chef d’entreprise, Laurent Alexandre nous livre, lors d’un remarquable TEDx Talk, les dernières vagues d’innovation de la science. Il évoque carrément un tsunami technologique, une médecine personnalisée pour bientôt, notamment, guérir du cancer… qui va toucher une personne sur quatre.

Pourquoi ces avancées ne nous sont-elles pas familières ? Deux raisons à cela dit-il :

  1. La science est encore dans une phase souterraine. Il y a eu assez peu de concrétisation visible par le grand public de ce qui est produit dans les laboratoires. La phase de démocratisation des nouveaux outils ne commence réellement que maintenant. La démocratisation du bricolage du vivant, c’est à partir de 2015.
  2. Les scientifiques eux-mêmes n’ont pas anticipé tout cela.

Si vous voulez savoir ce que sont les technologies NBIC et comment elles vont changer, modifier, bouleverser l’histoire de l’humanité, votre histoire, regardez vite cette vidéo :

Les technologies NBIC, ce sont :

  • La Nanotechnologie
  • La Biotechnologie
  • L’Informatique
  • La Cognitique : science du cerveau et de l’intelligence artificielle.

Les mots sonnent sans doute pour la plupart d’entre nous comme du jargon infâme, mais je vous assure que la conférence – qui ne dure que 12 minutes – est accessible et fascinante !

Certes, l’homme n’est pas fashion, certes il piétine beaucoup, mais Laurent Alexandre est un homme passionné et un orateur passionnant. Son sujet est passionnant. Et il vous passionnera.

Si, en outre, vous êtes intéressé par les techniques de prise de parole en public. Si vous avez lu ou feuilleté mon livre « Le crime de l’orateur », et que vous connaissez le premier secret des grands orateurs : « réussir son entrée et sa sortie. » Si vous voulez savoir ce qu’est une sortie réussie, regardez VRAIMENT la vidéo.

La sortie de Laurent Alexandre est la plus brillante que j’aie vue jamais. La plus forte. Et plus jamais vous ne verrez le réel de la même façon.

Bon Vol avec les Aigles les Amis et à bientôt,

Fabian


Bon sang : cessez de rêver !


« Pour survivre, dit Richard Miller, on n’a encore rien inventé de mieux que le rêve. Et le cinéma. » « Le futur appartient à ceux qui croient à la beauté de leurs rêves. » Ces mots sont d’Eleanor Roosevelt. « Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir et l’envie furieuse d’en réaliser quelques-uns. » Brel. Enfin, la plus jolie des citations, d’Oscar Wilde : « la sagesse, c’est d’avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu’on les poursuit. »

Le monde applaudit à pleines mains. Les internautes s’échangent ces perles de sagesse à travers les médias sociaux. Moi-même j’ai dû poster ces phrases en guise de statuts sur Facebook.

Pourtant, à y regarder de près, Miller, Roosevelt, Brel, Wilde, ne nous disent rien d’autre que de nous comporter en lévriers. Vous avez déjà vu une course de lévriers ? Ils se précipitent derrière un leurre. Un LEURRE ! Une espèce de faux lapin qui bien sûr leur échappe, sans quoi la course se terminerait trop vite. Dupes les chiens ? Pas sûr. La fin de la course n’est pas vaine. Pas complètement. Ils ne dévoreront jamais ledit (faux) lapin mais recevront de la viande quand même. Une autre viande. Un autre gibier qu’ils auront cru chasser. Ainsi on trompe les chiens. Ainsi on s’assure de leur naïveté lors d’une course prochaine. Que demande le peuple ? Du pain et des jeux.

Au moins les chiens mangent quelque chose.

Vraiment, cela vous intéresse de poursuivre un rêve assez grand et de crever avant que de l’avoir touché ? Vraiment, allez-vous, allons-nous vivre la tête en l’air, le regard posé sur un horizon aussi lointain qu’improbable ? Vers des étoiles qui nous font miroiter un meilleur futur ? Vers des promesses ? Juste des promesses ?

La seule promesse est notre finitude.

Je ne veux pas mourir en poursuivant un rêve qui s’échappe, un rêve qui me nargue. Les rêves nous détournent du réel et oui Monsieur Miller, ils permettent de survivre. Pas de vivre.

Lors de ma première année au Cours Florent, une école de théâtre, Valérie Nègre, notre professeur, nous a demandés à Jérôme, Eric et moi, d’improviser une scène. L’angle : un tableau. « Les raboteurs ».

S'agenouiller ou rêver debout ?

Les Raboteurs

Les Raboteurs de parquet est un tableau du peintre français Gustave Caillebotte réalisé en 1875. Cette peinture à l’huile sur toile est conservée au Musée d’Orsay, à Paris.

Emporté par je ne sais quelle rage – le mot n’est pas trop fort ! -, je me suis alors vu me lever et conspuer ce dieu auquel je ne crois plus depuis si longtemps. Je lui disais que je ne voulais pas que ma peau soit en lambeaux, comme les copeaux de ce foutu parquet. Que je ne voulais pas être à genoux. Que je voulais vivre debout. Crever debout. « Crever d’bout t’entends ? J’veux crever d’bout ! » Les derniers mots de ce monologue improvisé.

Ma propre violence ce jour-là m’a sidéré. D’où venait cette rage désespérée ? Quand on crève justement, on n’est pas debout. Jamais.

Pas plus que ce jour-là je ne veux vivre à genoux. Mais debout devant la finitude. Mais conscient.

Mes rêves ? Je me contrefous de mes rêves. Réellement. Qu’ils aillent au diable ou à dieu. Je ne veux pas du rêve. Le rêve, c’est du néant. Je veux du palpable. Du vrai. De l’authentique. Je ne veux pas de néant avant le néant. Je veux du réel avant le néant. Je veux des rêves, mais avec des échéances. Et ça, ça s’appelle des PROJETS.

Les Aigles ne rêvent pas. Ils agissent et alors s’envolent. Que j’aimerais être comme ça.

Bon Vol avec eux les Amis !

Fabian