« Pour survivre, dit Richard Miller, on n’a encore rien inventé de mieux que le rêve. Et le cinéma. » « Le futur appartient à ceux qui croient à la beauté de leurs rêves. » Ces mots sont d’Eleanor Roosevelt. « Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir et l’envie furieuse d’en réaliser quelques-uns. » Brel. Enfin, la plus jolie des citations, d’Oscar Wilde : « la sagesse, c’est d’avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu’on les poursuit. »
Le monde applaudit à pleines mains. Les internautes s’échangent ces perles de sagesse à travers les médias sociaux. Moi-même j’ai dû poster ces phrases en guise de statuts sur Facebook.
Pourtant, à y regarder de près, Miller, Roosevelt, Brel, Wilde, ne nous disent rien d’autre que de nous comporter en lévriers. Vous avez déjà vu une course de lévriers ? Ils se précipitent derrière un leurre. Un LEURRE ! Une espèce de faux lapin qui bien sûr leur échappe, sans quoi la course se terminerait trop vite. Dupes les chiens ? Pas sûr. La fin de la course n’est pas vaine. Pas complètement. Ils ne dévoreront jamais ledit (faux) lapin mais recevront de la viande quand même. Une autre viande. Un autre gibier qu’ils auront cru chasser. Ainsi on trompe les chiens. Ainsi on s’assure de leur naïveté lors d’une course prochaine. Que demande le peuple ? Du pain et des jeux.
Au moins les chiens mangent quelque chose.
Vraiment, cela vous intéresse de poursuivre un rêve assez grand et de crever avant que de l’avoir touché ? Vraiment, allez-vous, allons-nous vivre la tête en l’air, le regard posé sur un horizon aussi lointain qu’improbable ? Vers des étoiles qui nous font miroiter un meilleur futur ? Vers des promesses ? Juste des promesses ?
La seule promesse est notre finitude.
Je ne veux pas mourir en poursuivant un rêve qui s’échappe, un rêve qui me nargue. Les rêves nous détournent du réel et oui Monsieur Miller, ils permettent de survivre. Pas de vivre.
Lors de ma première année au Cours Florent, une école de théâtre, Valérie Nègre, notre professeur, nous a demandés à Jérôme, Eric et moi, d’improviser une scène. L’angle : un tableau. « Les raboteurs ».
Les Raboteurs de parquet est un tableau du peintre français Gustave Caillebotte réalisé en 1875. Cette peinture à l’huile sur toile est conservée au Musée d’Orsay, à Paris.
Emporté par je ne sais quelle rage – le mot n’est pas trop fort ! -, je me suis alors vu me lever et conspuer ce dieu auquel je ne crois plus depuis si longtemps. Je lui disais que je ne voulais pas que ma peau soit en lambeaux, comme les copeaux de ce foutu parquet. Que je ne voulais pas être à genoux. Que je voulais vivre debout. Crever debout. « Crever d’bout t’entends ? J’veux crever d’bout ! » Les derniers mots de ce monologue improvisé.
Ma propre violence ce jour-là m’a sidéré. D’où venait cette rage désespérée ? Quand on crève justement, on n’est pas debout. Jamais.
Pas plus que ce jour-là je ne veux vivre à genoux. Mais debout devant la finitude. Mais conscient.
Mes rêves ? Je me contrefous de mes rêves. Réellement. Qu’ils aillent au diable ou à dieu. Je ne veux pas du rêve. Le rêve, c’est du néant. Je veux du palpable. Du vrai. De l’authentique. Je ne veux pas de néant avant le néant. Je veux du réel avant le néant. Je veux des rêves, mais avec des échéances. Et ça, ça s’appelle des PROJETS.
Les Aigles ne rêvent pas. Ils agissent et alors s’envolent. Que j’aimerais être comme ça.
Bon Vol avec eux les Amis !
Fabian
Excellent !